Le niqab dans l’isoloir : incohérences d’une laïcité à la canadienne
À l’approche des élections fédérales, une situation troublante mérite d’être exposée : au Canada, une femme peut voter sans jamais avoir à retirer son niqab, même brièvement, pour vérification d’identité. C’est ce que l’on enseigne actuellement aux citoyens qui viendront aider au déroulement du scrutin. Présentée comme un geste de tolérance ou de respect religieux, cette pratique constitue en réalité une entorse grave à l’intégrité du processus démocratique et au principe fondamental d’égalité entre citoyens. Permettre le vote à visage couvert heurte aussi de plein fouet la dignité des femmes.
Ce paradoxe est d’autant plus frappant que même dans des pays où la religion est au cœur de l’organisation politique — pensons à l’Arabie saoudite — , les femmes sont tenues de retirer leur voile devant une agente féminine afin de confirmer leur identité. On comprend que l’identification dans un cadre officiel prime, même sur les exigences de pudeur religieuse. Il en va de même dans plusieurs autres pays à majorité musulmane : en Égypte, en Jordanie, en Tunisie ou en Indonésie, les autorités électorales exigent que les femmes portant le niqab se dévoilent temporairement, généralement dans un espace privé et en présence d’une agente. L’identification n’est jamais sacrifiée au nom de la croyance.
Comment expliquer alors qu’un État comme le Canada, qui se veut laïque, renonce à cette exigence élémentaire ?
La réponse tient à une forme de laïcité dévoyée : celle qui, sous couvert de neutralité, refuse d’affirmer des principes communs par peur d’offenser. Cette laïcité-là, très différente de l’approche républicaine, place la religion au-dessus des règles civiques quand elle devrait plutôt garantir que toutes et tous sont soumis aux mêmes exigences, croyants ou non. Le vote est un acte citoyen, pas religieux. Il devrait s’exercer dans un cadre où l’identité de chaque électeur est vérifiée de manière fiable et uniforme.
Refuser d’exiger le retrait temporaire du niqab pour vérification, c’est accepter un système où certaines citoyennes peuvent échapper à une règle de base à laquelle tous les autres sont soumis. C’est aussi créer un précédent dangereux : celui où la conviction personnelle peut s’imposer au-dessus de l’exigence démocratique.
Le Canada doit faire un choix clair : ou bien il continue de tolérer cette incohérence au nom du multiculturalisme, quitte à fragiliser la confiance dans son processus électoral, ou bien il assume pleinement la responsabilité de sa laïcité et garantit l’égalité de traitement pour tous. La laïcité ne consiste pas à favoriser les croyances, mais à créer un espace où la citoyenneté prime sur les particularismes. Et l’isoloir, plus que jamais, devrait en être le symbole.
Rappelez-vous quels partis cautionnent de telles dérives quand vous irez voter prochainement…
Romain Gagnon, essayiste, porte-parole Sceptiques du Québec
Daniel Baril, président Mouvement laïque québécois
David Rand, président Libres penseurs athées,
Michèle Sirois, présidente PDF Québec
Michel Virard, président Association humaniste du Québec
Marie-Claude Girard, administratrice Rassemblement pour la laïcité
Fatima Aboubakr, conseillère, administratrice Mouvement laïque québécois
Michel Belley, président Sceptiques du Québec
Normand Baillargeon, Francois Doyon, Guy Perkins, essayistes
Mandana Javan, Caroline Kilsdonk, Caroline Morgan, Danielle Boudreau, militantes